Carolle Benitah »
Féminité sans tabous
Exhibition: 4 Oct – 3 Nov 2012
Galerie Esther Woerdehoff
36 rue Falguière
75015 Paris
+33(0)9-51 51 24 50
galerie@ewgalerie.com
www.ewgalerie.com
Wed-Sat 12-19
Carolle Benitah
Féminité sans tabous
4.10. - 3.11.2012
Vernissage: 4.10.2012, 18 h
Photos Souvenirs
I started to be interested in my family pictures when I was leafing through my family album and found myself overwhelmed by an unexplainable emotion. These photographs were taken forty years earlier, and I could not even remember the moments they were shot, nor what preceded or followed those moments. But the photos reawakened an anguish of something both familiar and totally unknown, the kind of disquieting strangeness that Freud spoke about. Those moments, fixed on paper, represented me, spoke about me and my family, told things about my identity, my place in the world, my family history and its secrets, the fears that constructed me and everything that constitutes me today.
I decided to explore the memories of my childhood because that allowed me to understand who I am and to define my current identity.
To begin, I carry out ‘excavations’. Like an archaeologist, I dig out the pictures in which I appear from the family albums and the shoeboxes full of photographs. I choose snapshots, because they are related to memories and to loss. These photographs are fragments of my past. I interpret them in a subjective perspective as confessions. I order them, classify them, scan them, then I print them. I don’t do anything directly on the original photo; I transpose this reality on a different paper. Sometimes I crop a detail that calls out to me, and I choose my format. The work of interpretation begins with these steps.
Once these choices of images are made, I start to tell my version of the story. I turn my attention to my own history, sometimes with 40 years of distance and the life experiences that changed my perception of events. The past of a human being, unlike the remains of an antique temple, is neither permanent nor finished but reconstructed in the present time.
As the next step, I add needlework: embroidery and beads. Embroidering is primarily a feminine activity. In the past, the embroiderer was seen as a paragon of virtue. Waiting was tied to this activity: women embroidered, hoping for the man to return home. Embroidery is intimately linked to the milieu in which I grew up. Girls in a ‘good family’ used to learn how to sew and embroider – essential activities for ‘perfect women’. My mother embroidered her trousseau. There is nothing subversive about this activity, but I pervert it with my words. I use its decorative function to re-interpret my own history and to expose its failings. The two activities – interpretation and needlework – come together again in a kind of dispute: embroidery is the sign of good education, and the words that I speak don’t show me to be what I was supposed to be: a well behaved girl, a wise spouse and a loving mother.
With each stitch, I make a hole with a needle. Each hole means putting my demons to death. It’s like an exorcism. I make holes in paper until it does not hurt me anymore.
Each picture tells its own story and raises a veil on the past. The project is a story about revelation. It is a work related to emotion. For example, in one picture, I relate my personal story to “Little Red Riding Hood”, the story of a little girl swallowed by a wolf. We are here, in a transgressive story, in marked out paths not to be trespassed, in disobedience. I talk about childish fears. In another, I embroidered cockroaches which invade the space but they have angels’ wings and the fraternal links protect me and save me.
I use the red thread which is my vital lead. It leads me to the maze of my past history. Red is the colour of violent emotion, it is the colour of blood, of bad blood. It’s also a colour related to sexuality. The beads I use are chosen for their sheen and their fragility to stress the decorative side and create a gap. I utilize a traditional gesture in this step and it is linked to my previous occupation as a fashion designer. The work now becomes a three-dimensional piece of art.
The writing comes in, too. It’s like a key to unlock the mystery. The sentences are thought or said, like automatic writing.
This precise and slow process is a metaphor for the work of making oneself and for the passage of time.
Text by Carolle Benitah
Carolle Benitah
Féminité sans tabous
4.10. - 3.11.2012
Vernissage: 4.10.2012, 18 h
Née à Casablanca au Maroc, Carolle Benitah vit et travaille à Marseille. Elle commence à pratiquer la photographie en 2001, après une profonde remise en question. Ancienne styliste, elle associe la photographie aux travaux d’aiguilles dans une oeuvre puissante d’une fémininité sans tabous.
Pour la première fois en France, l’artiste expose le deuxième volet de sa série de photographies “Photos Souvenirs : L’adolescence”. Après “L’enfance marocaine”, l’artiste poursuit l’exploration de ses albums de famille et réinterprète son adolescence par la broderie au fil de soie et perles de verre, transformant des instantanés banals en symboles précieux. Présentées en tirages encadrés, les photographies brodées de “L’enfance marocaine” et de “L’adolescence” sont également reliées dans un portfolio qui revisite le genre de l’album photographique, espace privilégié de l’histoire de la photographie depuis son invention.
L’exposition de Carolle Benitah est une véritable installation. En parallèle des photographies, l’artiste présente des objets brodés de fil de soie rouge. Fil d’Ariane d’une artiste dont chaque création est une introspection, métamorphosée en oeuvre d’art par le geste de la main et de l’aiguille.
Organes crochetés au fil de soie, livres magiques de développement personnel engloutis sous la broderie, mouchoirs brodés d’attentes impossibles, napperons bonimenteurs ou obsédés, maisons états fragiles et vacillantes protégées par une cloche de verre ; Carolle Benitah déroule ses souvenirs et ses émotions, le passé qui construit chaque individu. Méditations sur le temps qui passe, ces oeuvres de l’intimité atteignent une portée universelle.
"J’ai commencé à m’intéresser à mes photographies de famille, lorsqu’en feuilletant l’album de mon enfance, je me suis retrouvée submergée par une émotion dont je n’arrivais pas à déterminer l’origine. Ces photographies prises il y a 40 ans et dont je ne me souvenais ni du moment de la prise de vue, ni de ce qui avait suivi ou précédé cet instant, réveillaient en moi une angoisse de quelque chose de familier et totalement inconnu à la fois, une sorte d’étrangeté inquiétante dont parle Freud. Ces moments fixés sur du papier me représentent, parlent de moi, de ma famille, et disent des choses sur la question de l’identité, de ma place dans le monde, mon histoire familiale et ses secrets, les peurs qui m’ont construites et tout ce qui me constitue aujourd’hui.
Dans un premier temps, j’exécute un travail de fouilles. Telle une archéologue, j’exhume des albums de famille et des boîtes à chaussures pleines de photographies, les images où je figure. Je choisis des instantanés parce qu’ils sont liés au souvenir et à la perte. Ces photographies sont des fragments de mon passé que j’interprète dans une perspective subjective, comme autant de confessions. Je classe les photos, je les numérise et je les imprime. Je n’interviens pas directement sur la photographie originale. Je vais transposer cette réalité sur un papier différent, je recadre quelquefois un détail qui m’interpelle et je choisis mon format. Le travail d’interprétation commence par ces étapes-là.
Une fois ces choix définis, je commence à raconter ma version des faits. Je me penche sur ma propre histoire avec parfois jusqu’à 40 ans de recul et le vécu qui modifient la perception des évènements. Dans ce dessein, je vais utiliser les travaux d’aiguille : la broderie et le perlage.
La broderie est une activité spécifiquement féminine. Autrefois la brodeuse était un parangon de vertu. L’attente est également liée à cette activité : les femmes brodaient, espérant le retour de l’homme au foyer. La broderie est étroitement liée au milieu où j’ai grandi. On apprenait aux filles de bonnes famille à coudre et à broder. C’est l’activité réservée aux femmes parfaites. Ma mère a brodé son trousseau.
Pour broder ma photographie, je vais percer le papier. À chaque point, je troue le papier avec une aiguille. Chaque trou est une mise à mort de mes démons. C’est comme un exorcisme. Je perce le papier jusqu’à ce que je n’aie plus mal.
J’utilise un fil rouge, qui est mon fil d’Ariane. Il me conduit dans les dédales de mon histoire passée. Le rouge est la couleur des émotions violentes, c’est la couleur du sang, du mauvais sang, c’est une couleur également liée à la sexualité.
Les perles choisies pour leur brillance et leur fragilité accentuent le côté décoratif et créent un décalage. Je réintroduis le geste artisanal dans cette série et renoue avec mon ancien métier de styliste.
L’écriture intervient également. Elle accompagne la photographie. Elle est comme une clef qui permet de déchiffrer le mystère. Ce travail lent et précis est la métaphore d’une fabrique minutieuse de soi et du temps qui passe."